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Xiàmèn, Gulangyu Piano Festival, 25 septembre 2012, Par Eusebius.

Stanislav Ioudenitch, un très grand maître du piano

Comment pourrait-on avoir été élève de Bachkirov, de Fleisher, de Murray Perahia, de Fou T'song, de Rosalyn Tureck (et j'en passe !) et n'être pas un grand pianiste ? Consacré par de nombreux concours, dont les prestigieux Busoni et Van Cliburn, Stalislav Ioudenitch est étrangement discret dans notre pays malgré une apparition récente à La Roque d'Anthéron   dans deux concertos de Mozart. Né en 1971 à Tachkent, il vit aux États-Unis où il déploie l'essentiel de son activité.

Stanislav Ioudenitch

Xiàmén est une ville moyenne, comme il en existe tant en Chine, au cœur d'une agglomération de plusieurs millions d'habitants, en face de Taïwan. Depuis plus de dix ans, une petite île — Gulangyu, à une encablure du continent — organise un festival de piano. Il doit trouver son origine dans le don — par un riche Chinois vivant en Australie — de sa collection de plus de cent pianos, pour laquelle un beau musée a été construit. Dans un cadre luxuriant, tropical, cette collection comporte de nombreux instruments anglo-saxons (américains, autrichiens, anglais surtout) d'un intérêt limité, si ce n'est d'ébénisterie. Mais quelques belles pièces (Broadwood, Pleyel…) méritent le détour, et une restauration. Évidemment les instruments anecdotiques (piano d'angle, piano girafe et autres curiosités) y ont leur place. A signaler que dès le début de XXe siècle, on dénombrait déjà plus de neuf cents pianos pour cette île d'un kilomètre carré. Donc une réelle tradition existe, qui a déjà donné à la Chine plusieurs grands pianistes.

Le Festival, qui, hélas, s'achevait à mon arrivée, ne vend aucun billet. Je dois être le seul auditeur occidental. Les billets sont offerts par les hôtels, sur demande des clients. Quant aux amateurs, ils font une longue queue sur le large tapis rouge qui permet l'accès à la salle de concert. Ils sont si nombreux que la vaste salle est rapidement pleine à craquer d'un public jeune et connaisseur. Personne n'est rejeté, on s'installe sur les marches, n'importe où, comme on peut. Et le silence règne, ce qui est rare en Chine. Une grande réserve dans les applaudissements, qui passeraient pour juste polis en Europe. Par contre, une véritable explosion de joie à la fin du concert.

Les Trois mouvements de Pétrouchka, de Stravinsky, ouvraient le récital. Splendide interprétation, en ai-je déjà écouté une si merveilleuse ? On croît redécouvrir ce chef- d'œuvre tant est riche le jeu de Stanislav Ioudenitch. Une variété extrême des timbres, des couleurs, que l'on croit entendre l'orchestre. Toute la poésie, l'émotion contenue de la seconde pièce (Chez Pétrouchka) est bien là, et introduit la magnifique progression qui conduit à poignante mort de Pétrouchka. Courons vite en acheter son enregistrement !

Suivait la Sonate en ré majeur K.284, commande de Dürnitz à Mozart. Quoi de plus opposé — stylistiquement — à Stravinsky ? L'élève de Murray Perahia égale voire dépasse le maître : le rondeau en polonaise, dont l'ampleur des variations est exceptionnelle et le thème (andante) qui conclut sont de la meilleure veine. Un véritable miracle de justesse, où la dynamique est renforcée par les tempi et le toucher subtil.

La Sonatine de Ravel, toute en finesse, illustre la variété des ressources de ce merveilleux pianiste. L'Animé qui la conclut atteint à la perfection, étincelante, jubilatoire. Un seul regret : le piano — chinois ? — n'est pas vraiment approprié, on regrette le timbre Erard.

Suivaient trois valses  de Chopin, interprétées avec simplicité, sans affectation aucune. Mais j'avoue ne plus trouver grand intérêt à l'op.64 n° 1 (« le petit chien ») ainsi qu'à d'autres de la même eau.

Pour conclure, la Fantaisie sur des thèmes des Noces de Figaro, de Liszt, revue par Busoni. Stanislav Ioudenitch défend remarquablement ce répertoire que se sont trop souvent approprié les histrions. De la magnifique musique, interprétée par un très grand maître.

satnislav ioudenitch

Les acclamations soutenues d'un public conquis appellent un bis. Ce sera une pièce de la même veine : Le Largo al factotum (Rossini) dans une transcription de Grigory Ginzburg, que l'on pourrait croire signée par Liszt. Éblouissante interprétation, que l'on retrouve sur un site bien connu.

Puisse ce merveilleux pianiste consacrer plus de temps aux salles de concert européennes : c'est un des pianistes majeurs de notre temps.

Eusebius
26 septembre 2012


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